En effet, sur le continent africain, plusieurs cas de conflits dégénèrent vers la violence lorsque les protagonistes se rendent compte que leurs revendications ne sont pas prises en compte. Et pourtant, tout part d’une situation normale dans toute société, la divergence d’intérêts, qui est une dimension objective de tout conflit. Situation qui n’est pas créée par les organisations de la société civile mais qui est nécessaire pour que la société progresse.
On voit alors que, au Tchad, dans l’optique de la sédentarisation des sociétés nomades dont l’activité économique est mise à mal par les aléas dus au changement climatique, l’Etat crée de nouvelles entités ‘’traditionnelles’’ sans en préciser le ressort territorial. C’est la base de conflits avec celles préexistantes. En RDC, au Sud-Kivu, un conflit à base identitaire portant sur le foncier oppose la communauté dite Banyamulenge aux autres vivant dans les Territoires de Fizi et de Mwenga qui la traitent d’étrangère. Ce conflit violent sur fond de revendications de nationalité et d’autonomie territoriale s’aggrave de jour en jour surtout que les protagonistes en sont à l’utilisation d’armes de guerre pour tenter de le régler. Au Burundi, la Commission vérité et réconciliation, issue des accords signés à Arusha en Tanzanie en 2003, tente de réduire les effets des crises récurrentes depuis 1968 où des affrontements entre Hutu et Tutsi ont fait des victimes d’hier les bourreaux d’aujourd’hui au fur et à mesure qu’elles se succédaient. Plusieurs cas d’insatisfaction autour de la restitution des terres, ‘’amatongo’’, aux retournés sont aujourd’hui portés devant la justice. Quant au Rwanda, il fait face à son lourd passé en tentant de devenir une terre d’accueil pour tout réfugié. Les camps ouverts à cet effet apportent divers défis comme celui de la cohabitation pacifique entre réfugiés et membres des communautés hôtes suite à la compétition pour l’accès aux ressources ainsi que toute une dynamique autour de la dépossession des terres des autochtones et des mesures de prise en compte du genre qui heurtent de front la culture des réfugiés. Enfin, au Cameroun, la réinsertion sociale des repentis de Boko Haram apporte son lot de conflits liés au sentiment de profonde injustice dont se sentent les populations victimes de leurs exactions qui ne voient venir aucune réparation. Au contraire, les repentis profitent d’une loi d’amnistie pour déambuler librement et bénéficier d’aides diverses dans des communautés démunies qui ne sont pas assistées. La colère gronde surtout que ces repentis se sont rendus sans remettre les armes qu’ils utilisaient.

Pour faire face, un peu partout, des acteurs civils, bâtisseurs de paix, tentent de mettre sur pied un dialogue interreligieux, comme au Burkina Faso ou au Cameroun quand ceux des Grands Lacs se lancent dans des activités de psychologie et paix. Au cœur de ce travail se trouve la responsabilisation au rôle de chacun porté par une communication non violente. Le formateur Baldal Valentin fait remarquer que : « on peut devenir un bâtisseur de paix. C’est un comportement, une attitude et non une certification universitaire. Le cardinal Dieudonné Nzapalainga de Bangui en Centre Afrique[1], en tant que leader religieux, a appliqué sur le terrain ce qu’il avait en lui pour tenter de réconcilier ses compatriotes. » Avec sa sagesse africaine, l’Imam El Hadj Adama du Cameroun se demande « si la réconciliation c’est le rétablissement de l’entente entre les parties en conflits, les co épouses qui se disputent un mari peuvent-elles respecter des engagements, reprendre leurs contacts sociaux et arriver au pardon mutuel ?» La fin d’un conflit suppose donc un équilibre gagnant – gagnant dans les solutions adoptées au risque de resurgir pour laver les profondes frustrations vécues comme autant d’humiliations.
On voit alors que, au Tchad, dans l’optique de la sédentarisation des sociétés nomades dont l’activité économique est mise à mal par les aléas dus au changement climatique, l’Etat crée de nouvelles entités ‘’traditionnelles’’ sans en préciser le ressort territorial. C’est la base de conflits avec celles préexistantes. En RDC, au Sud-Kivu, un conflit à base identitaire portant sur le foncier oppose la communauté dite Banyamulenge aux autres vivant dans les Territoires de Fizi et de Mwenga qui la traitent d’étrangère. Ce conflit violent sur fond de revendications de nationalité et d’autonomie territoriale s’aggrave de jour en jour surtout que les protagonistes en sont à l’utilisation d’armes de guerre pour tenter de le régler. Au Burundi, la Commission vérité et réconciliation, issue des accords signés à Arusha en Tanzanie en 2003, tente de réduire les effets des crises récurrentes depuis 1968 où des affrontements entre Hutu et Tutsi ont fait des victimes d’hier les bourreaux d’aujourd’hui au fur et à mesure qu’elles se succédaient. Plusieurs cas d’insatisfaction autour de la restitution des terres, ‘’amatongo’’, aux retournés sont aujourd’hui portés devant la justice. Quant au Rwanda, il fait face à son lourd passé en tentant de devenir une terre d’accueil pour tout réfugié. Les camps ouverts à cet effet apportent divers défis comme celui de la cohabitation pacifique entre réfugiés et membres des communautés hôtes suite à la compétition pour l’accès aux ressources ainsi que toute une dynamique autour de la dépossession des terres des autochtones et des mesures de prise en compte du genre qui heurtent de front la culture des réfugiés. Enfin, au Cameroun, la réinsertion sociale des repentis de Boko Haram apporte son lot de conflits liés au sentiment de profonde injustice dont se sentent les populations victimes de leurs exactions qui ne voient venir aucune réparation. Au contraire, les repentis profitent d’une loi d’amnistie pour déambuler librement et bénéficier d’aides diverses dans des communautés démunies qui ne sont pas assistées. La colère gronde surtout que ces repentis se sont rendus sans remettre les armes qu’ils utilisaient.

Pour faire face, un peu partout, des acteurs civils, bâtisseurs de paix, tentent de mettre sur pied un dialogue interreligieux, comme au Burkina Faso ou au Cameroun quand ceux des Grands Lacs se lancent dans des activités de psychologie et paix. Au cœur de ce travail se trouve la responsabilisation au rôle de chacun porté par une communication non violente. Le formateur Baldal Valentin fait remarquer que : « on peut devenir un bâtisseur de paix. C’est un comportement, une attitude et non une certification universitaire. Le cardinal Dieudonné Nzapalainga de Bangui en Centre Afrique[1], en tant que leader religieux, a appliqué sur le terrain ce qu’il avait en lui pour tenter de réconcilier ses compatriotes. » Avec sa sagesse africaine, l’Imam El Hadj Adama du Cameroun se demande « si la réconciliation c’est le rétablissement de l’entente entre les parties en conflits, les co épouses qui se disputent un mari peuvent-elles respecter des engagements, reprendre leurs contacts sociaux et arriver au pardon mutuel ?» La fin d’un conflit suppose donc un équilibre gagnant – gagnant dans les solutions adoptées au risque de resurgir pour laver les profondes frustrations vécues comme autant d’humiliations.
- Une rencontre du donner et du recevoir.
« A entendre les problèmes des autres, je me dis au moins chez nous c’est mieux si c’est si compliqué là-bas ! », relativise le jeune Patrick du Rwanda. Le Diacre Jean de Dieu du Cameroun prolonge la réflexion : « Avec ce qui se passe chez vous, je me retrouve comme si c’est la situation de chez moi. A qui appartient la terre ? Les communautés d’agriculteurs affrontent des communautés nomades. Or ces dernières sont obligées de se sédentariser parce que leurs activités économiques sont en train de disparaitre avec le changement climatique. A cela s’ajoutent les nouveaux agriculteurs qui achètent des tracteurs et font de l’agrobusiness. La terre devient plus rentable. Or, l’accaparement des terres est soutenu par l’Etat, les ONG et les investisseurs au motif de la modernisation de la production agricole. Derrière, il y a des politiques qui appuient cela. » Le problème de fond un peu partout sur le continent porte donc sur la sécurisation des terres des petits producteurs dans les milieux ruraux.
On voit bien que cette volonté de changements sociaux portés par l’Etat ne porte pas toujours les intérêts des cibles de ces mesures. Amina du Rwanda témoigne : « Dans les camps des réfugiés au Rwanda, les femmes sont allées jusqu’à lancer une déclaration forte : ‘’mon mari c’est le HCR’’. La décision rwandaise de renverser le partage du pouvoir dans les foyers était appliquée dans ces camps. Ce qui fait que la femme a droit à 50% de pouvoir dans la prise des décisions dans son foyer, les enfants ont aussi une autre portion et l’homme ne reste qu’avec 30 ou 20% alors qu’il est venu en étant le chef absolu de son ménage. C’est bon que la femme gère les cartes de rations alimentaires certes, mais les hommes sont frustrés et ce n’est pas bon. »
Sur tous ces thèmes, il est intéressant que les bâtisseurs de paix échangent sur leurs expériences et apprennent les uns des autres pour arriver à trouver ce qu’ils pourraient faire individuellement et collectivement. C’est le cas des conflits liés au genre dans les camps des réfugiés, de l’agropastoralisme et ses conflits, la gestion des ressources naturelles, y compris le foncier, l’intégration des ex combattants, etc… Ce serait cela la base de leur réseautage.
Et puis, la rencontre de Yaoundé aura aussi posé les jalons d’une réflexion en profondeur d’un nouveau genre :
On voit bien que cette volonté de changements sociaux portés par l’Etat ne porte pas toujours les intérêts des cibles de ces mesures. Amina du Rwanda témoigne : « Dans les camps des réfugiés au Rwanda, les femmes sont allées jusqu’à lancer une déclaration forte : ‘’mon mari c’est le HCR’’. La décision rwandaise de renverser le partage du pouvoir dans les foyers était appliquée dans ces camps. Ce qui fait que la femme a droit à 50% de pouvoir dans la prise des décisions dans son foyer, les enfants ont aussi une autre portion et l’homme ne reste qu’avec 30 ou 20% alors qu’il est venu en étant le chef absolu de son ménage. C’est bon que la femme gère les cartes de rations alimentaires certes, mais les hommes sont frustrés et ce n’est pas bon. »
Sur tous ces thèmes, il est intéressant que les bâtisseurs de paix échangent sur leurs expériences et apprennent les uns des autres pour arriver à trouver ce qu’ils pourraient faire individuellement et collectivement. C’est le cas des conflits liés au genre dans les camps des réfugiés, de l’agropastoralisme et ses conflits, la gestion des ressources naturelles, y compris le foncier, l’intégration des ex combattants, etc… Ce serait cela la base de leur réseautage.
Et puis, la rencontre de Yaoundé aura aussi posé les jalons d’une réflexion en profondeur d’un nouveau genre :
- Comment vivre de son travail de Bâtisseur de paix ?
Etre bâtisseur de paix est un travail à temps plein. On ne l’est pas seulement si on est agent d’une ONG. C’est une philosophie de vie. Mais alors, le même temps que quelqu’un utilise pour contribuer à la construction de la paix dans sa communauté, un autre l’utilise pour gagner des ressources pour vivre. « Comment mon travail de bâtisseur de paix peut-il me faire gagner suffisamment d’argent pour nourrir ma famille, soigner mes enfants, m’acheter une maison ou une voiture ? », interpelle Prosper de la RDC.
- Faut-il s’engager jusqu’au martyr ?
Cette question peut être posée autrement : que faire pour éviter d’être la cible privilégiée des violences et actes de vengeance alors qu’on est un simple bâtisseur de paix ? A Kinshasa, Floribert Chebeya a été assassiné suite à son engagement pour faire respecter les droits de l’homme dans son pays la RDC. Partout où il sévit, Boko Haram ne fait pas de blagues. Sortir pour aller convaincre des fanatiques armés de se rendre et remettre leurs armes expose le téméraire à son kidnapping s’il a de la chance. Fuir avec tous ou s’engager au péril de sa vie ? Comment se protéger pour survivre dans une situation mortifère ? La cause peut-elle l’emporter sur sa propre vie ? Le débat continue.
Toutefois, pour éviter d’être suicidaire, il faut savoir que, malgré toute notre bonne volonté, notre bonne foi et tout le courage qui nous animent, il est souvent difficile d’arrêter la survenance de certains évènements. Il faut plutôt apprendre à vivre avec. « Avant d’être une radicalisation religieuse qui rejette la forme traditionnelle de la religion, Boko Haram est l’expression de frustrations générées par le manque de débouchés pour les lauréats des écoles coraniques arabophones. Et comme, globalement, ces revendications ont été réprimées dans le sang par ceux qui ont suivi l’école de type occidental, la revendication par la violence a été présentée comme un rejet pur et simple de l’école à l’occidental », analyse le Diacre Jean de Dieu. La réalité est bien sûr plus complexe!!

En définitive, « on est sensible à ce qui se passe chez le voisin. Ce qui amène la question : on peut partir d’où pour faire quelque chose à partir de notre vécu », se demande Gilda. Jean Bosco du Rwanda conclue : « le cas des problèmes fonciers est revenu plusieurs fois. Je crois qu’en Afrique nous devons produire une réflexion d’ensemble sur le sort de notre terre pour comprendre ce qui nous arrive. » Le dernier mot revient au formateur Günter : « Les besoins ne sont pas négociables. Ils doivent être satisfaits. C’est sur les intérêts qu’il est possible de négocier. Autrement on est bloqué par les positions des acteurs. » Le défi de la construction de la paix se présente ainsi comme la recherche de stratégies pour transformer des acteurs difficiles en agents de changement.
Enfin, la participation à la formation internationale des Bâtisseurs de Paix à Yaoundé au Cameroun avait pour but d’avoir des capacités renforcées pour intervenir en Afrique francophones en vue de la promotion de la paix, la gestion non-violente de conflits et un développement sensible aux conflits. En effet, dans beaucoup de pays d’Afrique, il existe des programmes de promotion de la paix et de sensibilité aux conflits. Ce travail pour la paix nécessite des stratégies adaptées à un contexte précis et une gestion efficace orientée vers un changement personnel, relationnel, structurel ainsi que culturel.
Cette formation est une offre de l’Association de droit allemand ‘’Groupe Ressources pour la Paix’’ qui renforce les capacités des collaborateurs des projets de paix dans tous les pays francophones d’Afrique. Six formateurs, aux qualifications complémentaires, en sont les membres.
Toutefois, pour éviter d’être suicidaire, il faut savoir que, malgré toute notre bonne volonté, notre bonne foi et tout le courage qui nous animent, il est souvent difficile d’arrêter la survenance de certains évènements. Il faut plutôt apprendre à vivre avec. « Avant d’être une radicalisation religieuse qui rejette la forme traditionnelle de la religion, Boko Haram est l’expression de frustrations générées par le manque de débouchés pour les lauréats des écoles coraniques arabophones. Et comme, globalement, ces revendications ont été réprimées dans le sang par ceux qui ont suivi l’école de type occidental, la revendication par la violence a été présentée comme un rejet pur et simple de l’école à l’occidental », analyse le Diacre Jean de Dieu. La réalité est bien sûr plus complexe!!

En définitive, « on est sensible à ce qui se passe chez le voisin. Ce qui amène la question : on peut partir d’où pour faire quelque chose à partir de notre vécu », se demande Gilda. Jean Bosco du Rwanda conclue : « le cas des problèmes fonciers est revenu plusieurs fois. Je crois qu’en Afrique nous devons produire une réflexion d’ensemble sur le sort de notre terre pour comprendre ce qui nous arrive. » Le dernier mot revient au formateur Günter : « Les besoins ne sont pas négociables. Ils doivent être satisfaits. C’est sur les intérêts qu’il est possible de négocier. Autrement on est bloqué par les positions des acteurs. » Le défi de la construction de la paix se présente ainsi comme la recherche de stratégies pour transformer des acteurs difficiles en agents de changement.
Enfin, la participation à la formation internationale des Bâtisseurs de Paix à Yaoundé au Cameroun avait pour but d’avoir des capacités renforcées pour intervenir en Afrique francophones en vue de la promotion de la paix, la gestion non-violente de conflits et un développement sensible aux conflits. En effet, dans beaucoup de pays d’Afrique, il existe des programmes de promotion de la paix et de sensibilité aux conflits. Ce travail pour la paix nécessite des stratégies adaptées à un contexte précis et une gestion efficace orientée vers un changement personnel, relationnel, structurel ainsi que culturel.
Cette formation est une offre de l’Association de droit allemand ‘’Groupe Ressources pour la Paix’’ qui renforce les capacités des collaborateurs des projets de paix dans tous les pays francophones d’Afrique. Six formateurs, aux qualifications complémentaires, en sont les membres.
[1] Pour dire non à l’instrumentalisation de la religion dans le conflit entre centrafricains, l’archevêque puis cardinal Dieudonné Nzapalainga a mené un combat pour la paix, la réconciliation et la coexistence pacifique dans son pays la République Centrafricaine. Il l’a écrit dans son livre intitulé : « Je suis venu vous apporter la paix. »